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les avis de Cinemasie

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Ghost Dog 0.5 Relents nauséabonds
Ordell Robbie 1 Pas Médusé...
MLF 4
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Relents nauséabonds

La jeunesse est le temps du rejet du système, d'une nouvelle ambition pour la société, d'une démarcation avec les générations précédentes permettant d'exister, nous dit K. Kurosawa.

Fort bien.

Mais que cette jeunesse rebelle soit représentée à l'écran par les branleurs qu'il a choisi de mettre en scène, de la vermine nihiliste qui assassine une famille uniquement parce que le père est un petit patron pourtant loin d'être un exploiteur kapitaliste, qui cambriole une entreprise de nuit, qui crache à la gueule de la société en rêvant du Grand soir et en fanfaronnant dans la rue affublé d'un Tee-Shirt du Che, c'est grotesque. Et que ces types soient finalement décrits avec une certaine tendresse, une certaine nostalgie, un certain relativisme qui ferait presque passer le personnage d'Asano pour le nouveau Jésus, transmettant à ses ouailles un message subliminal matérialisé par une méduse rouge qui envahit bientôt les canaux de Tokyo pour se répandre sur le monde, ce serait risible si ça n'était pas aussi consternant.

09 juillet 2008
par Ghost Dog




Pas Médusé...

Une petite précision d'abord: la version dans laquelle nous avons visionné le film est d'au moins vingt minutes supérieure à celle montrée au Festival de Cannes. Vu les défauts déjà présents dans cette version, il devient facile de comprendre pourquoi la projection cannoise d'un film dont l'auteur très culte auprès de la critique française et très prisé des amateurs de cinéma asiatique était attendu au tournant suite à la réussite de Kaïro a exaspéré pas mal de festivaliers.

En l'état, le film souffre déjà d'un problème de montage provenant des intentions du cinéaste. Certes, l'ellipse fait partie des éléments caractéristiques d'un certain versant du cinéma japonais, celui de Kitano par exemple. Mais son usage dans le film vire à la caricature d'un certain cinéma japonais pour festival. A ceux qui me répondront par "l'ellipse narrative caractéristique de tout un pan du cinéma japonais" et "la force de ce choix de montage notamment chez Kitano", je réponds: que penser d'un film comme Bright Future qui pousse l'ellipse tellement loin dans le récit qu'il oblige le spectateur à faire tout le travail de réflexion et de reconstitution du récit, qui met tellement de choses dans le hors champ que ce qui est montré à l'écran finit par ressembler à une coquille vide ? On devine bien sur par moments le "message" du cinéaste grace à certaines métaphores kurosawaiennes habituelles à la légèreté d'un tank: le jeu d'arcades dont le but est de tirer sur des canettes symboles de la société de consommation, les split screens concernant l'avant d'une voiture pour symboliser les difficultés de communication entre les générations (reservis plusieurs fois avec un des deux personnages dans la voiture, un seul dedans, les deux dehors, les deux dedans comme si on n'avait pas compris...), "l'assault" des gamins à masques clignotants et T Shirts de Che Guevara, SPOILER la fin avec les memes gamins donnant des coups de pieds dans des cartons d'emballage tandis qu'un salaryman va au boulot FIN DU SPOILER, la méduse lumineuse incarnant les lendemains qui chantent du titre.

Après coup, en me repassant le film dans ma tête -et en "reconstruisant" le récit-, je me suis rendu compte que Kurosawa ne faisait au final que redire dans le film des choses déjà présentes dans ses autres films: le rapport aux morts et les dangers de la technologie (Kaïro), la question des liens entre les générations (License To Live) et l'idée afférente d'un Japon amnésique de son passé (Cure). Comme si la suppression du caractère habituellement très rectiligne et très peu elliptique de la narration chez le cinéaste donnait une impression de dispersion là où il n'y a que surplace thématique. Cela masque en outre un défaut récurrent chez le cinéaste et toujours présent ici: à l'instar de Lars Von Trier, Kurosawa ne filme pas des personnages mais des individus qui ne sont que des concepts philosophiques, des pantins d'une démonstration là où chez d'autres cinéastes "conceptuels" (Kubrick, Cronenberg) on a de vrais personnages. Passons alors au point un peu nébuleux, la nature du futur du Japon selon Kurosawa: si l'on se réfère aux interviews du cinéaste, le futur radieux du titre se situe non au niveau du monde et d'une nation mais au niveau de l'individu. Bref rien de bien nouveau là encore par rapport aux précédents films du cinéaste.

Il est donc question de crise du modèle capitaliste japonais, de difficulté de communiquer entre les générations ou entre jeunes -la méduse étant aussi une forme d'héritage d'espoir légué à une personne du meme age-, de dénonciation de la condition ouvrière. Mais en mettant dans le hors champ la violence réelle du travail à l'usine, Kurosawa fait perdre au film un vrai fil conducteur narratif, une forme de liant entre les scènes qui permettrait de croire à ce que l'on voit. Du coup, le film donne une impression de scènes s'enchainant sans but réel, partant dans tous les sens, d'une compilation incohérente des thèmes favoris du cinéaste. Quant aux apparitions fantomatiques d'Asano Tadanobu, elles ont loin d'avoir la force d'un Kairo. Passons maintenant à la forme: là, on a l'impression du désir de Kurosawa de renouveler sa mise en scène par l'usage de la haute définition. La forme du film est du coup plus variée que d'habitude chez le cinéaste: instants de virtuosité classique, usage parfois léger et parfois écoeurant d'épate Dogma du filmage caméra à l'épaule, moments distants et contemplatifs plus attendus, cadrages penchés. Qui plus est, la style de l'image varie entre superbe haute définition, style caméra digitale, image plus granuleuse suivant les scènes. Sauf que cette variété n'aboutit jamais à un style visuel cohérent et à un vrai projet de mise en scène. Prises individuellement, les scènes ne sont pas mal fimées dans l'ensemble mais c'est l'assemblage qui crée l'impression de désordre sans nom. Niveau direction d'acteurs, Odagiri Joe est potable et Asano Tadanobu décevant dans le style "somnambule" habituel chez le cinéaste. Le seul qui détonne, c'est Fuji Tatsuya à la palette de jeu bien plus variée, celle d'un acteur assez charismatique et talentueux pour ne pas se faire éclabousser par la médiocrité du projet et qui ballade dans chaque plan sa classe pure. Certes, les dialogues du film sont moins prétentieux qu'à l'habitude chez Kurosawa mais rayon Kurosawa sans philosophie de comptoir son précédent film fonctionnait mieux. Sans parler d'un score complètement insignifiant...

Un peu à l'image d'un Charisma, il s'agit d'un Kurosawa atypique se voulant hors de ses habituels films de genre. Entre liberté narrative et film décousu, la frontière ténue a été franchie ici par le cinéaste, ce qui pourrait refroidir bien des enthousiasmes inconsidérés le concernant: son statut ultrausurpé de "Nouveau Kitano" alors qu'il est loin d'avoir autant d'oeuvres un minimum marquantes à son actif par exemple. En interview, il a déclaré cette année "Je préfère réaliser dix films moyens plutôt qu'un seul très bon.": on ne pourra pas lui reprocher de manquer de lucidité...



19 août 2003
par Ordell Robbie


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